Q : le conseil d’administration, issu des élections du mois de mars, vous a élu président. Le communiqué de la caisse a tracé un rapide portrait de vous. Pour autant, les affiliés peuvent vouloir connaître celui qui va présider aux destinées de la CNRACL pendant les presque prochaines six années. Qui êtes-vous, Richard Tourisseau ?
R. Tourisseau : je succède à Claude Domeizel. Pendant 31 ans, il a incarné la CNRACL, œuvrant à sa reconnaissance pleine et entière à tous les niveaux, ferraillant pour que l’équilibre du régime soit pris en compte et que les moyens nécessaires lui soient accordés, y compris en tenant compte de la « solidarité» institutionnalisée avec des régimes déficitaires. Et puis, il a défendu l’action sociale de la caisse, dont bénéficie nombre de retraités dans la difficulté. Cela signifie beaucoup pour moi, car si j’ai été un de ses vice-présidents, entre 2011 et 2018, je n’ai participé qu’à une partie de son parcours. Je n’ai choisi que ces deux exemples, il y en aurait bien d’autres pour illustrer son action… J’ai proposé que le conseil d’administration la reconnaisse en le faisant président d’honneur.
Moi je suis au croisement de plusieurs particularismes, j’essaierai de ne pas trop les collectionner d’ailleurs. Né en 1954, je suis donc le premier président à être plus jeune que le régime. Je crois être aussi un pur produit CNRACL. D’abord actif cotisant depuis 1977, employeur hospitalier depuis 1986, retraité depuis 2019, employeur territorial depuis 2020. Je pense être le premier dans ce cas. Enfin, là c’est moins original, je suis une illustration de l’ascenseur social de la fonction publique.
Je débute comme gardien de gymnase, à la commune de Villiers-sur-Marne (94), en 1977, j’en deviens responsable des sports, avant de muter, en 1980, à la commune d’Elancourt (78). Je pars ensuite à Canéjan (33), au cycle préparatoire de l’ENA, et j’intègre l’Ecole Nationale de la Santé Publique à Rennes. J’en profite pour faire mon assistanat de directeur d’hôpital à Saint-Nazaire en 1984-1985.
A la sortie, en 1986, je deviens directeur de maison de retraite, on ne disait pas EHPAD à l’époque, de la Fondation Favier à Bry-sur-Marne (94), puis en 1987, s’y ajoute celle d’Alfortville et en 2002, la maison de retraite intercommunale de Fontenay-sous-Bois. Viendront ensuite les intérims de la maison de retraite de Vitry-sur-Seine et de la Fondation Goulet-Bontemps au Perreux-sur-Marne. J’ai aussi créé ce que je crois être le 1er GCSMS de France en 2008.
Et en 2019, la retraite…
Q : un parcours très val-de-marnais, pour ne pas dire parisien, comme disent les provinciaux. Et aujourd’hui vous êtes dans le Gers. Une franche rupture ? Suivie d’un nouveau virage ?
R. Tourisseau : non, un retour aux racines, dans la maison familiale, où s’est installé mon arrière-grand-père, cela fera un siècle l’année prochaine.
Nouveau virage, oui, car moi qui pensais me prélasser, au grand dam de nombre de mes amis, David Taupiac, le maire de la commune, me propose d’être sur sa liste. J’accepte à condition de n’être que conseiller municipal. Pour la petite histoire, je suis devenu ainsi président du conseil d’administration de l’EHPAD local.
Et puis Claude Domeizel m’a reparlé de la CNRACL, Philippe Laurent m’a donné l’agrément de l’Association des Maires de France, et puis de nombreux élus territoriaux ont accepté de tenter l’aventure avec moi, certains ne serait-ce qu’en étant candidat, ce dont je les remercie.
La suite vous la connaissez.
Q : mais l’homme, Richard Tourisseau, ce n’est pas qu’un parcours. Il est porteur d’une histoire, de valeurs, d’engagement ?
R. Tourisseau : je me suis, depuis mon plus jeune âge, engagé dans la vie militante, qu’elle soit associative, syndicale ou politique.
Le plus connu, bien sûr, est mon engagement syndical. J’ai siégé, pendant plus de 20 ans, au conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, participé aux négociations de la mise en œuvre du protocole Durafour, à celles des protocoles Aubry et Guigou, à celle des 35 heures dans la FPH.
Cela détermine les valeurs, notamment le dialogue social qui repose sur l’engagement des partenaires, mais pour paraphraser un ministre communiste célèbre, il faut savoir arrêter une négociation, et en même temps être capable de prendre les décisions nécessaires, ou ne pas en prendre. Trop souvent, dans la fonction publique, on sait qu’au bout du bout, l’Etat décide ce qui conduit à la position d’être toujours contre, pour prétendre à la pureté. Cela crée des insatisfactions pour les agents et entraîne un désengagement, que l’on constate dans les consultations électorales, qu’elles soient institutionnelles ou politiques.
Je me suis toujours dit que mon interlocuteur devait savoir d’où je me positionnais et où je voulais aller. Le dialogue social, c’est la négociation qui conduit au compromis, à l’avancée sociale pour le plus grand nombre.
Q : qu’est-ce qui vous passionne ? Qu’est-ce qui vous énerve ?
R. Tourisseau : mes proches savent que je suis un passionné de rugby, que j’ai longuement pratiqué et pour lequel je voue une adoration exacerbée, excessive diraient même certains !
Ce que j’exècre, ce sont les anglicismes inutiles. Cela crée une fracture entre « les privilégiés du sabir transatlantique » et les autres, avec des incompréhensions, rejetant ceux qui ne maîtrisent pas ces codes dans les séries inférieures. Et on a les gilets jaunes…
Les technocrates, ce ne sont pas ceux passés par les grandes écoles, mais ceux, qu’ils y soient passés ou non, qui mettent un écran de fumée pour justifier leur pouvoir. Ils utilisent, pour ce faire, un vocabulaire destiné à masquer leur volonté de ne pas expliciter les enjeux rencontrés ni à proposer différentes solutions et les résultats auxquels cela conduit.
Je crois maintenant que j’en ai assez dit sur moi. Les dossiers qui sont devant nous vont nécessiter de vrais débats au conseil d’administration et j’espère, qu’à nous tous, nous dégagerons les propositions susceptibles de convaincre nos interlocuteurs.