Les travaux du Comité scientifique et technique du FNP
Travailler autrement - Interview d'Omar Brixi
« Tout d’abord, je suis ravi du choix du thème de ce 5ème colloque sur « les risques psychosociaux. Cette programmation rejoint les préconisations faites par notre Comité scientifique et technique (CST) auprès du Conseil d’administration. Les RPS ont été une des premières thématiques sur laquelle le CST a travaillé. C’était au début des années 2000 alors que le sujet était méconnu, sous estimé voire encore tabou.
Cette attention du CST n’est pas le fait du hasard. Elle découle, selon moi, de la nature et du niveau de nos travaux eux-mêmes en lien avec la composition de cette instance. Rappelons que le CST réunit 3 collèges : des experts, des acteurs de la santé au travail et des représentants des employeurs et des personnels. Ce croisement d’expertises et d’expériences permet la confrontation de plusieurs angles et permet l’effort de vigilance et d’alerte sur les nouvelles problématiques.
Les RPS se sont imposés à nous dans ce que l’on a appelé la triade des risques dominants, TMS, CMR, RPS. Sur tous ces risques comme sur les RPS, nous avons écouté et échangé avec les spécialistes les plus investis sur le sujet tels que Christophe Dejours, François Daniélou et plusieurs sociologues. Nous avons traité des risques psychosociaux en plusieurs temps. Nous avons tout d’abord réfléchi sur le symptôme, puis sur la mesure et enfin sur les causes ou les cadres explicatifs.
Cette réflexion nous a permis de partir des fragilités des personnes jusqu’aux tensions dans les relations interpersonnelles notamment quand elles ont lieu dans des rapports de domination comme dans les relations hiérarchiques. Puis de progresser et nous intéresser aux conditions de travail notamment dans leurs formes nouvelles. Et de nous ouvrir enfin aux questions liées aux organisations du travail avec tout leur lot de mutations : intensification, accélérations de toutes sortes, transformations introduites par le travail sur écran, les nouvelles technologies de l’information et surtout les effets du management dans le secteur public (le new public mangment). Avec surtout leurs impacts sur la santé des salariés, des troubles les plus légers jusqu’aux issues fatales. C’était dramatiquement d’actualité à l’époque, avec les suicides à France Telecom et le dévoilement de l’ampleur de la souffrance au travail.
Nous avons aussi toujours relié ces impacts sur la santé des travailleurs aux évolutions des services publics. Notamment celles reliées aux orientations telles qu’inscrites dans la RGPP, des effets des restrictions des ressources, de la manière dont a abordé la performance et l’optimisation des organisations des services publics. C’est ainsi qu’on a pu mesurer les effets délétères des « importations » de fait vers le secteur public d’un modèle d’organisation et de gestion conçu dans les logiques de l’entreprise privée, elles mêmes détournées d’ailleurs.
Après avoir entendu, échangé et pris en compte les formes et les degrés de ces souffrances au travail tant dans les collectivités territoriales que dans les établissements hospitaliers, nous avons initié une démarche plus volontaire, celle de prendre le travail dans ses dimensions centrale et constructive. C’est ainsi que depuis 2011, nous nous sommes intéressés aux conditions et situations qui génèrent non pas seulement les souffrances, mais celles qui permettent aussi les réalisations de soi, la vitalité des collectifs au travail et la réalisation d’un service rendu de qualité, ce que certains appellent le mieux être au travail ou la qualité de vie au travail.
Dans cet esprit, le CST a produit un cadre propositionnel : une fiche de synthèse de ses travaux, disponible en ligne, une stratégie globale ainsi que des recommandations sous forme de plan d’action qui ont été soumis au Conseil d’administration. Le prochain colloque autour de cette préoccupation majeure du monde du travail, aujourd’hui, en fait partie.
Le programme d’action défini au niveau du FNP est en cours de mise en œuvre. Le CST a œuvré au mieux de ses ressources dans son rôle d’aiguillon et de cadres d’échanges et de propositions.
Les RPS ne sont pas un risque comme les autres. C’est un fait majeur, un fait global qui doit questionner nos organisations, nos métiers et leurs finalités.
S’en préoccuper, en débattre, c’est repenser le travail et ce qui est au centre de nos vies et de nos sociétés.
Investir dans la prévention des RPS en termes de temps, de débats et d’intelligences, c’est prendre soin de l’humain au travail et de ce qui fait la force du service public, en particulier. »